Si vous n’êtes jamais allé à Venise, faites le vite. Vous ne serez pas déçu.
Pour une première découverte, il vaut mieux éviter l’été (invasion de touristes, chaleur et pollution), l’hiver (le risque d’inondation «acqua alta» est de plus en plus fréquent) et certaines dates telles le Carnaval en février, la Vogalonga le dimanche après l’Ascension ou la première semaine de septembre (les régates et le festival du cinéma, la Mostra).
Les deux périodes les plus agréables sont le printemps et le début de l’automne.
La formule train + 2 nuits d’hôtels est idéale et non dénuée de romantisme. Le Paris-Venise part de la gare de Lyon à 19h45 (22h23 à Dijon).
Evidemment ce n’est pas l’Orient-Express, les couchettes sont plutôt spartiates, mais le garçon de wagon-lit vous réveille vers 7h30 avec le café et vous arrivez frais et dispos en gare de Santa Luccia à 9h34. Le train de retour partant à 19h57 (arrivée à Dijon le matin à 6h29), cela vous donne trois jours complets de visite.
Munissez-vous d’un sac à dos et d’une paire de chaussures de marche très confortables car vous ne marcherez nulle part autant qu’ici.
Le séjour est cher mais il existe des hôtels pour tous les budgets, depuis la pension de famille (vérifiez qu’il s’agit d’un hôtel «rénové» pour éviter toute mauvaise surprise) jusqu’aux palaces les plus luxueux. Vous aurez pris soin de réserver un hôtel proche de la gare (je descend habituellement au Principe), ce qui permet de déposer rapidement les bagages en arrivant (et d’éviter de les traîner le dernier jour). De plus c’est parfait pour prendre la ligne 1 du vaporetto (bateau-autobus) à la Piazza Roma. Si vous êtes un adepte du camescope, vous aurez ainsi les meilleures places à l’avant.
Le dépaysement est extraordinaire. Le Grand Canal, bordé de palais plus somptueux les uns que les autres (de style gothique «fleuri»), serpente sur 4 km, 40 minutes en vaporetto d’une vision inoubliable, avec en apothéose l’arrivée en pleine mer sur le bassin de Saint-Marc : c’est d’une beauté à couper le souffle, le Campanile, la Piazzetta, le palais des Doges, le Pont des Soupirs, la Piazza San Marco et, en face, la Salute et San Giorgio Maggiore. On frise l’overdose !
N’oubliez surtout pas, sur la place St-Marc, face à la Basilique toute en rondeurs byzantines (elle a servi de modèle à Sainte Sophie d’Istanbul), de vous attabler longuement à la terrasse d’un des plus prestigieux cafés du monde, qu’il s’agisse du Quadri ou du Florian. Le moindre espresso ou cappuccino vaut la peau des fesses mais bon, il y a les orchestres, le cadre le plus somptueux que l’on puisse imaginer, un passé chargé d’histoire, ça vous remue les tripes et c’est du bonheur à l’état pur.
Prenez les petites ruelles commerçantes, les «Mercerie» qui partent de la place et remontez vers le Rialto. Le pont a été immortalisé par les peintres vénitiens et le lieu, passage obligé entre le quartier touristique de San Marco et le quartier marchand de San Polo, est étonnant. Il y règne une activité intense, une indescriptible effervescence sur les berges et sur l’eau, et vous trouverez les plus beaux marchés de fruits, de légumes et de poissons d’Italie. Vous rentrerez dans un bar à vin intime ou vous préférerez un restaurant à touriste, les pieds dans l’eau (parfois au sens propre avec la marée de 14 heures) en face d’une des plus belles vues du Grand Canal.
Après déjeuner, perdez-vous dans le labyrinthe des canaux, des 446 ponts que compte Venise, des petites rues (calle), elles vous mèneront toutes à une place (campo), une église – il y en a un nombre inimaginable – et vous serez surpris de découvrir la vie tranquille des vénitiens, à deux pas du bruit et des clameurs des touristes.
A la nuit tombante, prenez un traghetto (sorte de gondole-taxi bon marché qui relie une rive du Grand Canal à l’autre) ou traversez le Pont de l’Académie et promenez-vous sur les quais, les «zattere», en face de l’île de Giudecca, on dit que Woody Allen, lorsqu’il vient à Venise, y fait régulièrement son footing.
Partout vous trouverez des bistrots pas très chers où vous pourrez boire un verre avant dîner et déguster les spécialités locales (pâtes à l’encre de seiches, brandade de morue, araignées de mer et tourteaux grillés, sardines aux oignons), avant de regagner votre hôtel (à pied bien entendu). Après minuit, le silence à Venise est magnifique, vous n’entendez que les pas des rares promeneurs résonner sur les pavés, vous ferez peut-être des rencontres mais jamais de mauvaise rencontre.
Le lendemain, prenez le vaporetto vers les îles de la lagune. Sauf si vous êtes cinéphile et voulez retrouver l’ambiance de « Mort à Venise» de Visconti, évitez le Lido dont le principal attrait est d’être une station balnéaire à la mode.
Choisissez plutôt Murano et Burano.
Murano est mondialement connue pour ses souffleurs de verre. Après la démonstration du Maître dans l’atelier, visitez la collection, ne boudez pas votre plaisir et offrez vous un joli souvenir.
Mais je vous conseille, même si malheureusement l’endroit est devenu très prisé des touristes depuis quelques années, de passer du temps à Burano, l’île des pêcheurs et dentellières. Chaque maison est peinte d’une couleur vive différente des autres (on se croirait en Irlande à Sneem, ou dans un port norvégien, avec le linge qui sèche aux fenêtres en plus) et la lumière y est merveilleuse. Vous pouvez également goûter un moment étrange au cimetière San Michele, empreint de sérénité, et chercher, dans ce labyrinthe de tombes, celles presqu’anonymes de Stravinski et de Diaghilev.
Au retour, flânez de nouveau dans les ruelles des quartiers somptueusement délabrés de Cannaregio et de Castello, ne manquez pas la chapelle Santa Maria dei Miracoli, un petit bijou renaissance de marbre et de porphyre et, avant d’aller dîner, vous réserverez pour un concert dans une petite église. La ville respire la musique, Vivaldi y est né, Monteverdi y a vécu, Wagner y est mort.
Le troisième jour enfin, il sera temps de vous cultiver un peu, dans cette ville où les artistes locaux ont nom Bellini, Carpaccio, Canaletto, Tintoret, Le Titien, Véronèse… les musées ne manquent pas, l’Accadémia, Ca’d’Oro, Peggy Guggenheim, le palais Grassi et la punta della dogana (l’ancienne douane extraordinairement rénovée) qui abritent la collection d’art contemporain de François Pinault.
Ne partez pas sans avoir visité l’intérieur de la Basilique St-Marc et le Palais des Doges qui vous en diront beaucoup sur la richesse passée de la Sérénissime.
Regagnez la gare par les quartiers de Dorsoduro et de Santa Croce et attardez vous au campo Santa Margherita, bruissant comme un essaim, pour vous imprégner une dernière fois de la vie populaire et de la sérénité vénitienne.
La ville est en danger, elle s’enfonce régulièrement dans la mer de 20cm par siècle, les fondations sont gangrenées par le salpêtre et les algues, tandis que la pollution industrielle et maritime gagne du terrain. Pour l’heure, mais pour combien de temps, le miracle (la Salute a été bâtie au 17èmesur un million de pilotis !) et la magie demeurent.
En trois jours, vous aurez ainsi parcouru un véritable marathon et découvert une ville authentique et fragile, bien loin des clichés et mièvreries pour amoureux transis, une ville qui n’a rien perdu de son âme et qui réveille en vous des émotions fortes.
Mais attention, à venir ainsi dans la Cité de Marco Polo et de Casanova, vous prenez le risque d’en tomber follement amoureux. Sans doute l’aviez-vous deviné !