Martine et Gérard : « Pour notre tour du monde, voici 40 ans, nous sommes partis sans itinéraire préconçu »

Il y a quarante ans, Martine et Gérard faisaient leur balluchon et entreprenaient un tour du monde. Ils avaient alors 25 ans. En 1975, l’ère du tourisme « démocratique » au long cours n’a pas encore débuté : les avions « gros porteurs » en sont à leurs premiers pas, les « routes du tourisme » restent à inventer, et les infrastructures sont la plupart du temps inexistantes. Hôtels, restauration, transport sont à l’état natif et l’on circule sans climatisation, dans des conditions précaires de sécurité. Et surtout, on ne sait pratiquement rien des risques encourus…

Un tour du monde sans internet, sans téléphone portable. L’appareil photo numérique n’existe toujours pas. Le guide du Routard, qui est aujourd’hui une institution, vient à peine de naître. Avec l’insouciance de la vingtaine, Martine et Gérard sont partis faire le tour du monde en 1975, pendant 1 an. Les jeunes retraités, qui ont depuis créé leur blog www.notreroute1976.fr, tentent de partager cette aventure extraordinaire.

Pourquoi avoir fait un tour du monde en 1975 ?

On avait quatre sous devant nous, on était libres, sans enfant et avec du temps devant nous. Et on était passionné par le voyage. On est donc parti fin septembre de Grenoble et avons embarqué au port du Havre le 2 octobre. On n’avait pas de vrai itinéraire. A l’époque, les visas n’étaient accordés qu’à ceux qui voyageaient avec un billet d’avion aller-retour. On a donc dû procéder comme ça, et bien sûr, on a revendu là-bas notre retour.

Comment communiquait-on ?

Au Canada et aux États-Unis, on pouvait à la rigueur appeler l’Europe au téléphone. Ensuite, cela devenait pratiquement infaisable, et nous n’avions plus de moyen de communication. Le seul moyen de joindre nos proches était le courrier postal. Aléatoire, lent, et parfois voué à l’échec. Il faut réaliser que dans certains pays, un timbre pour l’Europe équivalait au salaire journalier moyen, voire davantage. D’où les tentations de détournement.

Avez-vous rencontré des problèmes ?

Non, on n’a pas eu de mésaventure importante. Par contre, on a rencontré des gens qui avaient été enlevées par Charles Sobhraj (ndlr : surnommé « Le Serpent », ce tueur en série aurait tué entre 15 et 20 personnes, essentiellement des touristes qui parcouraient l’Asie).

Combien vous a coûté ce voyage ?

Ce tour du monde nous a coûté environ 20.000 Francs chacun. Cela correspond à environ un peu plus d’un an de salaire, ou le prix de 2 Renault 4L. On a dû partir avec la totalité de la somme sur nous.

Quels moyens de transports avez-vous utilisé ?

Nous sommes probablement parmi les rares « tourdumondistes » à n’avoir pris aucun avion. Nouas avons traversé l’Atlantique sur le dernier paquebot (russe, ou plutôt soviétique) assurant une liaison commerciale, souvenir magnifique, et le Pacifique sur un cargo US qui nous a menés de la Nouvelle Orléans à Ujung Pendang aux Célèbes. Inoubliable, impossible à refaire…

Vous pensez qu’il y a plus de personnes qui font des tours du monde en 2014 qu’en 1975 ?

C’est compliqué de répondre à cette question. Aujourd’hui, avec le nombre de blogs sur les tours du monde, on pourrait croire qu’il y a plus de tourdumondistes. Mais à notre époque, il était difficile de se faire une idée. Parmi ceux que nous avons rencontrés, la plupart étaient anglo-saxons : australiens, nouveaux zélandais, américains.Peu d’européens, pratiquement pas de français. Et à l’époque bien entendu, aucun ressortissant des « pays de l’est » (Russie, Allemagne de l’est, Hongrie, Roumanie, Pologne..). Et encore moins de Chinois, Indiens…

Avec votre expérience, vous direz qu’il est plus difficile de faire un tour du monde aujourd’hui ou dans les années 1970 ?

A la fois plus simple et plus compliqué : aujourd’hui, techniquement beaucoup plus simple, plus rassurant, mais probablement plus complexe au pont de vue réglementation et contraintes diverses. Dans les années 70, les voyageurs étaient assez rares, et peu de règles leur étaient réellement applicables : une fois le voyage commencé, tous finissait par s’arranger « à la bonne franquette ». On a vu des visas refusés le lundi pour cause de chaussures « non conformes », et acceptés le mardi par un autre douanier. On a vu des voyageurs refoulés à Penang pour cause de cheveux trop longs, acceptés une heure plus tard une fois « raccourcis » par un copain…

Cependant, les itinéraires possibles ont sans cesse évolué : dans les années 70 l’Asie du Sud Est était en pleine effervescence :impossible de visiter le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Chine ; mais la route de l’Orient (Afghanistan, Iran, Syrie… ) était assez facile et paisible.

Et aujourd’hui, vous continuez à voyager ?

Oui, toujours. On cherche plutôt à découvrir les régions proches de chez nous comme les pays européens, mais un projet nous tient à cœur : le Vietnam !

Martine et Gérard

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